“paysage neuronal” : peindre les méandres d’Alzheimer
Comment traduire visuellement la maladie d'Alzheimer, avec toutes ses implications émotionnelles et cognitives ?
Dans ma dernière commande de portrait, mon modèle est un homme de 96 ans atteint d’une des nombreuses formes de dégénérescence mentale liées à Alzheimer.
C'est sa femme qui m'a commandé ce portrait, dans l'espoir de capturer et de préserver l'essence de l’homme qu’elle aime malgré l’avancée de la maladie.
Avec cette peinture, ma volonté est d'inscrire mon modèle dans un décor qui serait le reflet de sa vie psychique. J’aimerais représenter sa déambulation mentale dans la vieillesse à travers un “paysage neuronal” imprégné des notions d’oubli, de démence, mais aussi de tendresse et de fragilité.
Pour tenter de traduire ces notions et créer un univers végétal fantastique de “plantes neuronales”, je m'appuie sur des images d'archives scientifiques habituellement destinées à des fins médicales : des vues 3D de l’intérieur du cerveau avec ses différentes parties.
Il faut savoir que la maladie d'Alzheimer affecte principalement le cortex cérébral, en particulier les régions responsables de la mémoire, de la cognition et de la communication. Les lésions se manifestent principalement dans l'hippocampe, le cortex entorhinal, le cortex préfrontal et le cortex temporal.
Chacune de ces zones joue un rôle crucial dans nos capacités cognitives et émotionnelles, et leur dysfonctionnement altère profondément la vie des personnes atteintes : perte de mémoire, désorientation dans le temps et l’espace, changements d'humeur, troubles du sommeil et parfois même hallucinations.
En manipulant, mixant, mélangeant et déformant ces images dans des photomontages, je constitue une banque de croquis qui inspire ma vision intérieure de “paysage neuronal” destiné à ma peinture finale.
Cette commande représente pour moi, comme à chaque portrait, une formidable rencontre artistique - en particulier ici avec la fragilité humaine, à travers un état de vie que l’on ne veut habituellement pas voir.
À travers cette œuvre, je m’imprègne du mystère de la Beauté qui prend toujours naissance dans la fragilité et l’improbable, hors des cadres attendus : aussitôt qu’on la définie et qu’on l’enferme, elle s'en échappe. Un verset de la Bible résonne ici particulièrement en moi : "Ce qu'il y a de faible dans le monde, Dieu l'a choisi, pour couvrir de confusion ce qui est fort" (1 Corinthiens 1:27).
Cette nouvelle commande de portrait me permet d’explorer une fois de plus le thème du “cinéma intérieur”, fil rouge de mon travail de peinture. Quand je peins un portrait, je m’intéresse de près aux récits intérieurs, personnels et collectifs, que nous nous racontons et qui viennent influencer notre perception du monde environnant. Cette capacité du cerveau humain à rechercher continuellement dans le monde qui l’entoure des signes et des symboles, à créer des significations à partir du réel - et plus précisement ici, à perdre le contact avec le réel - est un aspect de la psychanalyse qui me fascine. À travers chaque portrait, je tente de rendre visible cette réalité propre à chacun et la diversité des expériences vécues.
Et vous… De quel “cinéma intérieur” pensez-vous être le témoignage ?
=> Cliquez ici pour voir Portrait de A. en paysage neuronal, un témoignage poétique du quotidien avec Alzheimer !
Peindre les perceptions
Existe-t-il une réalité ou une suite de perceptions ?
Cette question est au cœur de ma pratique de peinture. Chaque être humain serait doté d'un "cinéma intérieur" générateur de fictions. Cette expression, chère au psychanalyste Lionel Naccache, est devenue le fil rouge de ma peinture.
Notre cerveau a la capacité de créer des fictions et de piocher des symboles dans les éléments du réel, ce qui est crucial pour notre survie et notre bien-être. Cette faculté nous permet de donner un sens à notre vie, de comprendre le monde qui nous entoure, de nous projeter dans l'avenir, trouver des solutions créatives à nos problèmes, comprendre les histoires et nous connecter émotionnellement avec les autres.
En somme, notre capacité à créer des fictions est ce qui fait de nous des êtres humains conscients, sensibles et spirituels. Notre Cinéma Intérieur est influencé par nos valeurs, notre culture et notre histoire personnelle, ce qui rend chaque individu unique dans sa façon de créer le récit de son existence.
Mon processus de création est basé sur cette idée de cinéma intérieur. À la peinture à l'huile, je réalise des commandes de portrait que j'inscris dans des paysages oniriques peuplés de symboles. Mon objectif est de retranscrire l'expérience sensible potentielle de mon modèle, à partir de ma perception de ce qu’il ou elle vit, dégage, transmet.
Prenons l'exemple de ma dernière commande, un double portrait de fillettes de deux et six ans - deux soeurs. Pour réaliser cette peinture, j'ai fait appel à mes souvenirs d'enfance pour me rappeler de cette période de la vie où la fiction et la réalité n'ont pas de frontière. À cet âge, tout est possible. Les enfants ont une foi absolue en l'existence et en ses possibilités, contrairement à l'adulte qui a conscience de vivre dans un monde limité, et différencie le rêve du réel. J'ai voulu retranscrire cette période de la vie dans ma peinture, en représentant les deux fillettes dans une posture de ferveur et de confiance, habitées par une conscience intuitive du Sacré. Le paysage qui les entoure est explosif en terme de couleurs, un violent coup de vent souffle avec fracas sans que l’on sache d’ou il vient ni ou il va, symbolisant la puissance de l'enfance.
Ainsi, mon travail de peinture s'inscrit dans une réflexion plus large sur la nature de la réalité et sur notre capacité à la créer et à l'interpréter. En tant que peintre, je suis fascinée par la façon dont les perceptions et les expériences individuelles peuvent être transformées en images, en couleurs et en formes, qui permettent de communiquer des émotions et des histoires universelles.
Si vous êtes intéressé par une commande de portrait, n'hésitez pas à me contacter. Je serai ravie de discuter avec vous de votre propre Cinéma Intérieur et de la façon dont nous pourrions le traduire en art.
=> Cliquez sur ma peinture Portrait de R et P. pour découvrir le cinéma intérieur de l’enfance !
Manoeuvrer dans les accidents
La vie : qui décide du récit général ?
La vie est un bateau,
A bord duquel naviguer
Nous faut-il
Contrer la vague et les marées
Eviter les remous
Ou s’abandonner aux vents contraires
Et surfer ?
En dessin,
Je navigue à vue
Tracé direct, sans gomme.
Je m’interdis d’effacer.
Pas de crayonné préalable non plus
Se lancer simplement dans le trait, de manière automatique.
Laisser la forme apparaître d’elle-même à travers les accidents de la matière
Les croisements entre les couches
Se laisser surprendre par ce qui survient
Hors de mon contrôle
Le dessin c’est comme la vie
Les situations tournent à l’envers
Le vent souffle souvent dans le sens contraire
Mais on peut choisir le lâcher-prise
Voir chaque erreur comme un essai
Tirer parti de toutes les aventures
« Tous les vagabonds vagabondent et croisent un jour leur chance »
Chantait Henri Salvador
Le sens se crée lui-même
Manipule les évènements, les symboles de manière autonome
Et décide du récit général
Finalement
Pourquoi ne pas
Habiter l’état d’enfant curieux et insatiable
Qui perché à la proue de son bateau, regarde le fond de l’eau
Et lui demande inlassablement : « et après ? »
Clique ici pour regarder l’œuvre « Tous les Vagabonds vagabondent et croisent un jour leur chance »
Poème automatique dans la montagne pour redevenir un humain qui danse
Tu voudrais habiter seulement dans les moments ou tu te sens vivant ?
Dans la nuit des temps nous serons réunis
Amis, famille, dans l’éternité du Vivant
Le son du vent sera un filet de guitare
Et la vie un grand festival de musique
Le soleil sera un grand visage expressif et jovial
Les collines seront rondes et douillettes
Les nuages n’enverront plus de pluie
Puisque nous serons comme des anges
Le ciel sera sur nos têtes et nos têtes feront la grande roue dans l’espace
Nous sauterons comme des chamois de collines en collines et nous lancerons les
étoiles comme des freesbee
Nous retournerons là ou nous étions avant de naître
Car avant la naissance nous étions dans la vie éternelle
Nous appartenions à la vie éternelle
Et nous retournerons dans la vie éternelle
Il n’y aura plus douleur ni tristesse
Nous serons vivants pour toujours
Il pleuvera du soleil et de la joie
Les montagnes se déplaceront pour rigoler
Le gravier se mettra à voler
Les pierres à danser
La neige sera réchauffée
Nous nous nourrirons de coquelicots et de choses colorées et amusantes
Notre esprit sera dans la brume de l’ivresse
L’ivresse de la danse
De l’Eternité
Ce poème écrit en automatique au milieu de la montagne est un support d’illustration
et d’explication de ma série d’œuvres sur la Montagne mexicaine.
L’importance de se taire
Ou ce que des centaines d’heures de dessin d’observation m’ont appris de l’accès à la joie…
Pour une fois, tu ne voudrais pas te taire ?
Moi la bavarde, j’apprends à me taire, et depuis quinze ans. Voici ce que je retiens de cet apprentissage.
Développer son écoute
Se détacher de soi et observer fait travailler le cœur, la douceur. Observer réveille l’empathie avec le reste du monde. L’observation nous conduit à l’écoute sincère et l’écoute sincère nous rend moins dur, moins exigeant envers les autres et envers nous-même. L’écoute nous fait sortir de l’attente, des suppositions, des objectifs inaténiables.
A une époque ou tout va vite, ou on court, ou on cherche à dire et à agir, vivre avec l’autre c’est peut-être lui dire : je m’arrête, je te regarde, je t’écoute.
Parce que je parle sans arrêt, dans le dessin je me tais et j’observe. Je n’imagine rien, je n’exprime rien : je dessine ce que j’observe.
2. Se laisser déranger
On a souvent beaucoup à exprimer et à dire.
Quand on observe, quand on écoute, on oublie un instant sa vie, ses certitudes, ses convictions. On met en pause le déroulement de sa vie. On abaisse ses défenses, on se laisse déranger par la réalité de l’autre.
On est parfois mal à l’aise : que répondre à ce que dit cette personne qui se confie ? Que lui proposer comme plan d’action ? Dans la véritable écoute il n’y a rien à dire ou à mettre en place. Rien à juger non plus ! En face de moi, l’autre m’enseigne : je ne sais rien, j’ai tout à apprendre.
C’est ce qu’il m’arrive dans le dessin d’observation : je m’efface. Observer une autre réalité, celle d’une plante ou d’un animal pendant de longues heures ammène progressivement l’effacement de mon ego. Des siècles d'évolution ont beaucoup à m’enseigner sur le but de l’existence si je veux bien m’affranchir de mes idées toute-tracées.
3. Apprendre à recevoir
Dans l’écoute, il y a beaucoup à recevoir. En observant la manière de vivre, de faire, de penser d’un autre on inspire à sa propre vie de nouvelles pistes. On se donne l’occasion d’être surpris / choqué / inspiré et de tirer des conclusions pour soi-même.
Observer et dessiner une plante me donne des leçons de combativité et de persévérance, dans leur course vers le soleil, ou bien d’humilité, dans leur discrétion et leur multitude.
J’ai observé jusqu’à l’effacement de moi des centaines de plantes et d’animaux au cours de ma vie. Tous ces dessins d’observation sont présents dans mes œuvres composites.
Le Vivant a-t-il un message à délivrer ?
Influences & symboles pour personnifier le Vivant
Découvrir le Renard comme synonyme de la malice grâce à La Fontaine, ou la Cigale comme métaphore de l’insouciance…
La colombe comme un signe de pureté, symbole de l’esprit saint, à travers mon éducation religieuse ou encore le poisson comme symbole des premiers chrétiens.
Frère Soleil, Sœur Lune, Frère Vent, Sœur Eau : La personnification des éléments à travers le cantique des Créatures de Saint François d’Assises
Assister à des rites chamaniques au Mexique ou des évanouissements dans les veillées de prière des courants charismatiques qui pratiquent la « louange » (terme religieux pour signifier l’état de gratitude, de célébration qu’on ressent face à la vie).
==> Mon art est devenu une aventure syncrétique à travers toutes ces tendances païennes et religieuses, entre sagesse de la Nature et transe artistique de ressentir la vie.
Mon propre prisme folklorique de lecture du Vivant :
Les oiseaux, si beaux et si fébriles, témoignent de la force de l’indépendance et en même temps de la difficulté à rester libres. Leur présence est récurrente dans mes oeuvres.
Les arbres sont une preuve d’ambition et de confiance dans le divin. Ils s’étirent vers le haut et travaillent dur pour atteindre le Ciel.
L’herbe est métaphore d’humilité. Son rôle est de pousser de façon multiple, sans ego ni individualité, pour former le gazon sur lequel nous nous asseyons et nous reposons.
Les tournesols invitent à moins de complexes et plus d’opportunisme : ils savent provoquer leur chance et trouver en toute circonstance une place au soleil.
Le poisson évoque la prise de recul, la faculté à descendre dans les profondeurs de son intériorité pour retrouver le calme et la sagesse.
Pourquoi j’utilise un trait stylisé pour traduire ce message
Je ne cherche pas à dessiner de manière réaliste tous ces habitants du réel. C’est l’essence, l’enseignement présent dans chacun que je reçois à travers le dessin d’observation. Mon trait stylisé s’explique par cette volonté de synthèse, de se débarrasser du superflu pour aller au cœur.
Dans mes photomontages, je joue également sur les déformations du dessin, les étirements, les flous volontaires : pour étirer l’énergie présente dans les formes, libérer la puissance de vie à l’origine de toute chose, me laisser envahir par la matrice originelle. Comme si l’enveloppe seule de la plante ou de l’animal ne suffisait pas.
J’aime dessiner les ombres projetées : ce n’est pas la plante ou l’animal que je capte, mais sa force intérieure, son âme.
Quand je peins tous ces éléments, je tente de décrypter la « puissance créatrice à l’origine de toute chose ».
Apprivoiser l’extase
Tu fais plutôt confiance à ton esprit d’Analyse ou à ton Ressenti ?
On a probablement besoin des deux – or on s’est totalement coupé de la dimension magique de l’existence dans nombre d’activités de la vie humaine.
Pas seulement dans le monde du travail. On a culpabilisé l’émotion jusque dans les pratiques qui étaient précisément censées être une promesse d’éveil contemplatif et spirituel pour l’Homme : le monde de l’art, la religion.
L’Art trop rationnel
L’art, un vecteur de la contemplation, du sentiment d’éternité ?
Dans le monde de l’art, on sort de plusieurs dizaines d’années de courant conceptuel ou l’idée prime sur la forme.
Résultat : on envisage l’art depuis notre mental, on a coupé notre accès à l’émotion, au ressenti. Il est bien loin le temps des premiers hommes dans les grottes de Lasceau qui peignaient des animaux pour imprégner de magie et de bonne fortune leurs moments de chasses...
Depuis peu, on commence à revoir apparaître des expositions sensorielles, ludiques, monumentales ; en particulier grâce à l’apparition de technologies immersives & interactives qui donnent un coup de pouce pour remettre un peu de magie dans le quotidien.
La religion trop mentale
Vivre de sa foi est vécue par beaucoup de croyants à travers l’engagement politique, envisagé comme un outil de réflexion citoyenne, un remueur de société. Pourquoi pas.
Mais je pense qu’un grand nombre de croyants camoufle son attrait pour Dieu dans une fascination plus large pour l’autorité et la puissance.
Pourquoi cultivons-nous un tel goût de la discipline, de l’ordre et de la rigueur ? La foi n’est-elle pas débordement intérieur, exaltation des sens, et donc synonyme de chaos ?
Alors, nous compensons…
Car une vie équilibrée, c’est une égalité vécue des trois dimensions Tête / Cœur / Corps.
A trop vivre dans un monde froid et inerte, nous compensons cette culture par tous les moyens sensoriels à notre portée.
Programme : Retrouver l’extase
Extase, transe… Tu ressens désir ou méfiance face à ces mots ?
Tous, nous cherchons à atteindre la libération, l’excitation et le bonheur profonds de différentes manières.
Dans la fête, le sport à haute dose, le sexe, la prière, les drogues, la danse, le jogging, la foi et j’en passe – libre à chacun de déterminer ce qui relève du besoin fondamental ou de l’excès.
Le besoin initial de transcendance est à chaque fois, en tout cas, légitime.
Dans cette quête sans fin de jubilation, une activité se distingue à mes yeux tant elle est en ligne directe avec le divin. Tu devines laquelle ?
L’art.
« Ecouter de la musique, c’est avoir le 06 du Ciel » disait un ami.
Nous sommes encouragés à côtoyer l’art dans nos quotidiens parce qu’il nous reconnecte à notre souffle initial, à notre puissance de vie.
On vit, on sent, on aime, on souffre, on crée et tout cela se retrouve dans la musique, le cinéma, le chant, l’écriture, la danse, le théâtre, la peinture.
L’art, parce qu’il mobilise tous nos sens, a la possibilité de sublimer les évènements du réel et de nous faire basculer dans l’extase.
Des générations d’artistes nous le racontent depuis des siècles : l’art joue un rôle de premier ordre dans l’accès au divin.
Il n’y a qu’à regarder les représentations du Paradis réalisées par les peintres classiques à travers les époques. N’y voit-on pas des anges exulter sur des cythares, des trompettes et autres instruments ?
Pas la trace d’un comptable, d’un prof ou d’un commercial dans les représentations de la vie éternelle…
On peut en conclure que côtoyer l’art c’est recevoir le temps d’un instant un fragment du paradis. Ressentir un avant-goût de ce qui nous attend dans la vie éternelle.
En dessinant, c’est vraiment cet état d’éternité que j’essaie de rejoindre. Passer par la peinture pour regarder le monde avec le coeur, célébrer le fait d’être en vie.
Comme Francois d’assises louant le Vivant et s’adressant dans ses poèmes à « frère soleil » et « sœur lune », je décris moi-aussi le monde avec la couche d’excitation, d’émerveillement et de joie d’un enfant insatiable.
Itinérance dans le dessin (explication de ma série d’oeuvres du Mexique)
Quelle activité vous permet de cultiver le “vide fertile” ? Comment rejoignez-vous le sentiment de plénitude et d’extase ?
Je viens de passer trois mois à travailler sur ma prochaine série d’œuvres dans le silence et le recueillement de mon atelier. Je suis heureuse de commencer à partager avec vous, progressivement, cet énorme travail de digestion opéré depuis mon retour du Mexique. Il est composé d’un (très!) grand nombre de travaux qui devraient apparaître petit à petit sur ce site.
Ces derniers temps à Paris, j’ai eu plus de 150 dessins de cette itinérance de 2 mois à trier, numériser et assembler pour faire naître une série de paysages immersifs en trois chapitres :
Chapitre 1 - La Côte, un paysage fantastique à partir des dessins de mer, pélicans, oiseaux de toute sorte observés sur le Pacifique Sud et Nord
Chapitre 2 - La Jungle, à partir des dessins de lianes invasives, iguanes, ruines mayas et racines tortueuses rencontrés dans le Chiapas
Chapitre 3 - La Montagne, grâce aux dessins d’églises, œuvres d’art et nuages issus de l’atmosphère des villages coloniaux du Nord dans les hauteurs du pays
J’étais partie loin de chez moi avec un ensemble de questions ouvertes autour de ma pratique : Vers quoi diriger mes recherches plastiques cette année ? De quoi est-ce que j’essaie de parler quand je dessine, à qui s’adresse réellement mon travail ? Comment me mettre davantage à l’écoute de mon intériorité afin de mieux servir ?
J’avais envie de consacrer un temps de retraite à ces questionnements, descendre dans les étages profonds de mon âme. J’avais la certitude qu’un temps de silence et de contemplation au milieu du Vivant m’apporterait quelques clefs de compréhension. J’ai choisi une destination connue pour la diversité foncière de ses paysages dans l’idée d’habiter un temps au milieu de ces ambiances. J’avais en tête une consigne très simple : dessiner la Nature et laisser le Vivant m’enseigner lui-même son propre récit.
Les dessins de plantes et d’animaux ramenés de mon périple ont été les principaux compagnons de mon hiver parisien. En les retravaillant j’ai rejoué vingt fois dans ma tête les scènes de nos rencontres :
- la magie de retenir l’attention d’un animal 1 ou 2 minutes le temps d’un dessin malgré la fuite de tous ses confrères
- la lenteur de mes déplacements comparé aux autres promeneurs. Le temps nécessaire pour faire des dessins de paysage plutôt que de sortir mon appareil photo.
- le désir impatient d’aller m’enfoncer toujours plus loin dans la nature pour faire silence, mais la difficulté d’éviter le brouhaha du tourisme de masse de plus en plus vampirisant sur les zones naturelles
- la frustration des ratés : porter parfois 8kg d’affaires d’art pendant des heures sans rien voir, puis de faire une découverte magique au moment ou je n’ai rien pris avec moi
A dessiner tout mon saoûl sans distraction, est remonté à la surface un apprentissage oublié de ma marche de deux mois à Compostelle en 2015. Je n’ai rien à prévoir, à organiser ou à attendre : juste à me déplacer, ressentir, vivre et m’abandonner à l’Extase.
Et c’est ce sentiment d’extase que je vois désormais déborder dans mes œuvres finalisées. Comme si la coupe de la joie d’être en vie était pleine, j’ai déversé des litres de couleurs et de plantes folles dans des paysages fantastiques et éternels, ou la nature danse à tout jamais.
👉 Cliquez ici pour découvrir ma première œuvre mexicaine "Les Messagers Pélicans " !